Trafic d’ivoire : mafias et groupes armés font un carnage

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• Le trafic des défenses d’éléphants est devenu une filière de crime organisé qui a pour principal client la Chine. Guérillas armées, militaires corrompus et mafieux se partagent une « ressource » qui pourrait bientôt ne plus exister.

Après les diamants de Sierra Leone et les mines du Congo, l’ivoire semble être la dernière ressource dont l’exploitation est nourrie par les guerres en Afrique. Collecté dans des zones d’affrontement isolées, facile à échanger en argent liquide, l’ivoire est une source croissante de conflits sur le continent. Plusieurs des principaux groupes armés d’Afrique, dont l’Armée de résistance du Seigneur [LRA, mouvement de rébellion ougandais], les milices somaliennes d’al-Shabab et les Janjawid au Darfour, chassent les éléphants et vendent leurs défenses pour acheter des armes et semer le chaos sur leurs territoires.

D’après les autorités, ils sont aujourd’hui associés à des syndicats du crime organisé qui expédient l’ivoire dans le monde entier en profitant des difficultés des Etats, des frontières perméables et de complicités depuis l’Afrique sub-saharienne jusqu’à la Chine.

Un « or blanc » déjà convoité par les colons

Les criminels ne sont toutefois pas les seuls à profiter de ce trafic. Plusieurs membres d’armées africaines formées et financées à coup de millions de dollars par les contribuables américains, comme celles de l’Ouganda, du Congo-Kinshasa et du Soudan du Sud, ont été impliqués dans des chasses illégales à l’éléphant et la vente d’ivoire. Les arrestations liées à ce trafic au sein de l’armée congolaise sont nombreuses et les gardes forestiers s’opposent régulièrement aux forces du Soudan du Sud.

Le réseau Interpol participe à présent à l’enquête sur le massacre d’éléphants du parc national de la Garamba [en RDC] et va comparer des échantillons d’ADN prélevés sur les crânes des animaux à celui d’un important lot de défenses marqué « biens ménagers » récemment saisi dans un aéroport ougandais.

L’essentiel de l’ivoire illégal – jusqu’à 70%, d’après les spécialistes – est destiné à la Chine, où ce matériau est recherché depuis des siècles mais n’a jamais été aussi accessible à un grand nombre de gens qu’aujourd’hui. L’essor économique de l’empire du Milieu a donné naissance à une immense classe moyenne et le prix de la livre d’ivoire atteint désormais un niveau astronomique – 1 000 dollars – dans les rues de Pékin.

L’année dernière, du Kenya au Nigeria, plus de 150 ressortissants chinois ont été arrêtés pour trafic d’ivoire. Des preuves de plus en plus nombreuses révèlent également que les chasses illégales à l’éléphant se multiplient dans les régions où une main d’œuvre chinoise est employée à la construction de routes.

Les étrangers déciment les éléphants d’Afrique depuis des générations. C’est « l’or blanc » qui a poussé le roi Léopold II de Belgique à faire du Congo son fief personnel à la fin du 19e siècle. Cette situation a débouché sur tous les excès des comptoirs d’ivoire minutieusement décrits par Joseph Conrad dans son livre Au Cœur des ténèbres. Elle est à l’origine de l’actuel effondrement de l’Etat congolais.

Un massacre de plus en plus dévastateur

La Côte d’Ivoire doit son nom aux nombreux troupeaux d’éléphants qui s’ébrouaient autrefois dans ses forêts. Aujourd’hui, après des décennies de carnage, l’ivoire a presque complètement disparu. La demande a augmenté à un point tel qu’une simple défense d’éléphant adulte peut valoir jusqu’à dix fois le revenu annuel moyen dans bien des pays africains.

En Tanzanie, les paysans pauvres disposent des citrouilles empoisonnées sur les routes afin d’attirer les éléphants. Au Gabon, des groupes allant chasser au cœur de la forêt tropicale pour leur subsistance sont recrutés pour tuer des éléphants et ramener leurs défenses. Ils ne reçoivent parfois pas plus qu’un sac de sel en échange. L’an dernier, le braconnage a atteint son niveau le plus élevé depuis la création de dispositifs de contrôle internationaux en 2002. L’année 2011 a également été celle du record de saisies d’ivoire illégal à travers le monde: 38,8 tonnes (soit plus de 4 000 éléphants).

D’après les autorités, cette nette augmentation est la preuve de l’implication du crime organisé dans le trafic d’ivoire, car seul un système criminel parfaitement huilé – avec l’aide de représentants corrompus – est capable de transporter des centaines de kilos d’ivoire à des milliers de kilomètres à travers le monde, la plupart du temps à l’aide de conteneurs spéciaux disposant de compartiments secrets.

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